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Regarder
la télé éteinte
Après l'hôtel Péron,
Pascale Stauth et Claude Queyrel ont " habillé "
les postes de télévision des chambres de l'hôtel
Richelieu. Ou histoire de la pièce unique et de l'objet de
masse.
À lhôtel
Richelieu, la vue sur la mer est imprenable. Tellement qu'elle a
fini par pénétrer dans les chambres jusque sur les
téléviseurs. Ou plutôt sur les housses qui les
couvrent. Proues contre proues, deux navires s'y font face. De la
symétrie des deux éléments naît une seconde
image en forme de masque humain aux accents d'ailleurs, d'orient
surtout. C'est au cours d'un voyage en Ardèche que Claude
Queyrel observe chez une vieille dame un poste de télévision
recouvert par une toile cirée. L'idée fait son chemin
et le voilà lancé, avec Pascale Stauth, dans la confection
de housses brodées uniques destinées à l'objet
de masse par excellence, bien au-delà de l'aspect purement
décoratif. Protéger la télé, certes,
et s'en protéger aussi. "Les télévisions
sont des sortes de spectres sans formes et souvent malfaisants,
la housse les transforme en fantômes comme le drap qui sert
à les matérialiser, cela permet de les nommer ",
commente Pascale Stauth.
Art et lien social, lutopie du XXe siècle
TV Cover, comme ils ont nommé
leur projet explore toutes les contradictions possibles de l'objet
transformé. Le centre d'attention se déplace :
du regard posé sur un spectacle à l'écran,
on passe à la contemplation d'une uvre en soi. Le design
savamment étudié du téléviseur occulté
par un morceau de tissu artistique, et c'est toute la logique industrielle
qui en prend un coup. Une sorte de revanche contre le mobilier standard,
ce triste adjectif synonyme d'uniformisation monotone et de nivellement
par le bas. Que le lieu choisi
pour développer le projet soit un hôtel et non une
galerie d'art, n'est donc pas un hasard. "Nous
aimons mettre en forme des choses qui font partie des façons
d'être par rapport aux autres" expliquent Claude
Queyrel et Pascale Stauth, habitués à marcher
hors des sentiers battus et à rechercher ou à introduire
l'art là où on ne l'attend pas. Le client devient
spectateur, la valeur d'usage est aussi importante que la valeur
d'exposition. Un art inséré
dans le quotidien qui fera sûrement maugréer les esthéto-puristes
défendeurs acharnés de l'an pour I'art, mais qui a
séduit Eric Mangion, directeur du FRAC qui soutient le projet
:" Aujourd'hui, l'art
ne crée pas de lien social, cest pourtant l'utopie
du vingtième siècle ". Gageons que le vingt-et-unième
sera plus propice.
Gilles GRABER
Tv Cover, jusqu'au 30 septembre
à l'hôtel Richelieu, Marseille. Les housses sont visibles
suivant les modalités habituelles de réservation de
l'hôtel. Plus d'information : www.tvcover.org
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