"Le Richelieu"  
  Housses/catalogue/communiqué/presse  
"La Marseillaise", lundi 9 juin 2003
 
page 10 (détail)
 



Regarder la télé éteinte

Après l'hôtel Péron, Pascale Stauth et Claude Queyrel ont " habillé " les postes de télévision des chambres de l'hôtel Richelieu. Ou histoire de la pièce unique et de l'objet de masse.

À l’hôtel Richelieu, la vue sur la mer est imprenable. Tellement qu'elle a fini par pénétrer dans les chambres jusque sur les téléviseurs. Ou plutôt sur les housses qui les couvrent. Proues contre proues, deux navires s'y font face. De la symétrie des deux éléments naît une seconde image en forme de masque humain aux accents d'ailleurs, d'orient surtout. C'est au cours d'un voyage en Ardèche que Claude Queyrel observe chez une vieille dame un poste de télévision recouvert par une toile cirée. L'idée fait son chemin et le voilà lancé, avec Pascale Stauth, dans la confection de housses brodées uniques destinées à l'objet de masse par excellence, bien au-delà de l'aspect purement décoratif. Protéger la télé, certes, et s'en protéger aussi. "Les télévisions sont des sortes de spectres sans formes et souvent malfaisants, la housse les transforme en fantômes comme le drap qui sert à les matérialiser, cela permet de les nommer ", commente Pascale Stauth.
Art et lien social, l’utopie du XXe siècle

TV Cover, comme ils ont nommé leur projet explore toutes les contradictions possibles de l'objet transformé. Le centre d'attention se déplace : du regard posé sur un spectacle à l'écran, on passe à la contemplation d'une œuvre en soi. Le design savamment étudié du téléviseur occulté par un morceau de tissu artistique, et c'est toute la logique industrielle qui en prend un coup. Une sorte de revanche contre le mobilier standard, ce triste adjectif synonyme d'uniformisation monotone et de nivellement par le bas. Que le lieu choisi pour développer le projet soit un hôtel et non une galerie d'art, n'est donc pas un hasard. "Nous aimons mettre en forme des choses qui font partie des façons d'être par rapport aux autres" expliquent Claude Queyrel et Pascale Stauth, habitués à marcher hors des sentiers battus et à rechercher ou à introduire l'art là où on ne l'attend pas. Le client devient spectateur, la valeur d'usage est aussi importante que la valeur d'exposition. Un art inséré dans le quotidien qui fera sûrement maugréer les esthéto-puristes défendeurs acharnés de l'an pour I'art, mais qui a séduit Eric Mangion, directeur du FRAC qui soutient le projet :" Aujourd'hui, l'art ne crée pas de lien social, c’est pourtant l'utopie du vingtième siècle ". Gageons que le vingt-et-unième sera plus propice.

Gilles GRABER

Tv Cover, jusqu'au 30 septembre à l'hôtel Richelieu, Marseille. Les housses sont visibles suivant les modalités habituelles de réservation de l'hôtel. Plus d'information : www.tvcover.org